[Si par hazard tu cherches une histoire émouvante, tu es au bon endroit].
J’ai fait la connaissance de Boris Evrard sur les réseaux sociaux et comme beaucoup de jeunes burundais au Canada, je le connaissais principalement à travers son activisme et ses engagements dans la diaspora Burundaise au Canada. Si tout comme moi tu as grandi au Burundi, alors tu sais que la RTNB était la seule chaine télévisée qui existait auparavant; et tu as surement vu, en 2002, des images d’Evrard sur ton écran. Je sais, il y’a de cela 15 ans; plusieurs ne s’en souviennent pas ou ne savent carrément pas de qui je parle. Evrard est un jeune Burundais de 33 ans, ainé d’une famille de 4 et étant le seul de la fraterie à être né avec le virus du VIH/SIDA. C’est justement en 2002 que pour la toute première fois Evrard a parlé publiquement de sa maladie; sur la RTNB.
- Qu’est ce qui t’a motivé le plus a publiquement parlé de ta séropositivité ? Je l’ai fait pour sauver ma vie. C’était primordial à ce moment. Dans les années 2000 les associations de lutte contre le Sida donnaient juste les bactrimes comme médicament; on retrouvait uniquement les “antirétroviraux” dans des pharmacies privées et ils coûtaient très chers. Lorsque j’ai appris de ma maladie, je ne savais ni que faire ni comment j’allais me procurer des médicaments. J’attendais juste ma mort puisqu’à l’époque, beaucoup de gens rendaient l’âme à cause du SIDA. Je n’avais pas d’autres choix que de l’annoncer publiquement, pour demander secours et avoir de l’aide en urgence! Je suis très reconnaissant envers Dieu. En moins de 24 heures, je venais d’avoir une aide de la part de Mr Salim Somji, le patron de Siphar. Il m’a mis en contact avec un Docteur du nom de Kamo Emmanuel et je tiens sincèrement à les remercier.

- Avant de parler de ta maladie publiquement, recevais-tu du soutien moral de la part de tes proches? Avant que je l’annonce, je n’étais pas au courant de ma maladie. Personne ne m’en avait parlé. J’allais souvent à la SWAA-Burundi mais ils ne m’avaient rien dit jusque là. Je remarquais que je n’étais pas en forme au niveau de la santé. Et à l’époque nous apprenions dans les écoles que le virus du VIH /SIDA ne se transmettait que par des rapports sexuels non protégés. Les cas où un enfant pouvait naitre avec le virus n’étaient pas connus, donc je ne savais rien de tout celà! Une semaine après avoir publiquement parlé de ma maladie, c’est avec seule Mme Spès Ndongozi que j’ai discuté de tout ça et personne d’autre, elle m’a beaucoup aidé à surmonter tout ça!
- Appréhendais-tu la réponse et la réaction des personnes? Je m’attendais à ce que les gens réagissent mal. Que mes camarades de classe ne me parlent plus ou que mes sœurs et frères aient peur de moi mais tout ce que j’avais imaginé était totalement faux. Par contre quelques parents ont commencé à m’inviter à aller chez eux, les organisations comme UNICEF, UNESCO ou CNLS( Conseil National de Lutte contre le Sida) m’invitaient dans les Lycées comme Michel Archange, Saint Esprit, Don Bosco, Petit Séminaire, Saint Joseph et même dans des Églises pentecôte et Anglicanes pour témoigner! En peu de mots, ça a plus eu un impact positif que je ne l’imaginais.
- Quel est le premier sentiment que tu as éprouvé après en avoir parlé et quand les premières personnes ont commencé à réagir ? J’ai beaucoup été encouragé. En fait ça m’a permis de réaliser que je n’étais pas seul et que j’étais vraiment soutenu. Le soutien que je recevais était ce qui faisait la difference car même si nous prenons les médicaments, si nous n’avons pas de soutien moral, si nous n’avons personne à qui parlé, ça ne sert à rien! Donc c’est comme ca que j’ai pensé que je pouvais aider les autres qui étaient dans la même situation que moi. C’est pour cela que j’ai fondé une association (Réseau National des jeunes vivants avec le VIH Sida au Burundi: RNJ en sigle). J’ai eu de l’aide de la part d’Éric Uwintwanza qui était au service des jeunes dans le Conseil National de Lutte contre le Sida. Je suis ravi que l’association continue ses fonctions.

- En quoi penses tu que ton histoire a aidé les jeunes Burundais en général et par rapport à leur connaissance du VIH en particulier? Je pense que ça a été d’une grande importance pour beaucoup de personnes. Je faisais parfois des descentes sur terrain et grâce à mon histoire, des personnes se faisaient dépister, d’autres qui avaient perdu espoir se sentaient moins seul. J’ai aussi aider des parents qui ne savaient pas comment l’annoncer à leurs enfants. Je pense qu’avec ça, la discrimination envers les Sidatiques, a petit à petit diminué. Aujoud’hui les gens ont moins peur de parler de leur séropositivité. Les jeunes apprennent de plus en plus qu’une personne atteinte du virus peut concevoir un enfant non atteint du virus mais aussi qu’une personne atteinte du SIDA peut se marier avec une personne non atteinte.
- Des personnes à remercier? Je voudrais remercier Coucoulis Georges, le patron de la Boucherie Nouvelle qui m’a aidé car les médicaments que je prenais, nécessitaient une bonne alimentation saine. Un grand merci du fond du coeur à Spès Ndongozi, qui est la journaliste avec qui j’ai fait une émission et qui m’a préparé psychologiquement en disant que je pouvais être discriminé par la société. Sans oublier Mme Godeberthe Nahimana qui m’a été d’un grand soutien.
S’il y’a une lecon à garder après l’histoire de Boris c’est que : Nous devons tous faire un effort pour briser les “sujets tabous” dans notre société Burundaise. Comme dirait Evrard, aujourd’hui c’est lui mais demain ca pourrait être toi. Vivre avec une maladie aussi complexe et ne pas avoir de soutien moral peut en effet devenir trop lourd. Boris-Evrard a dû vivre plusieurs années sans savoir qu’il avait le VIH/SIDA parce que les gens avaient honte d’en parler. Si ca n’avait pas été le courage de Evrard qui lui a emmené à parler ouvertement de sa situation, Dieu seul sait ce qu’il lui aurait arrivé.
Dans un de mes articles récents, j’ai parlé des maladies mentales qui constituent toujours un sujet tabou dans notre Burundaise en particulier mais Africaine en général. Que cette histoire d’Evrard nous serve d’exemple et de leçon. Pour toute les fois où notre voisin a voulu nous parler de sa dépression et nous nous sommes moqués de lui, pour toute les fois où nous nous sentons seuls et réticent à l’idée de partager nos histoires parce que nous avons peur d’être rejeter par la société, rappelons-nous toujours de comment Boris-Evrard a pu changer les choses grâce à son courage. Nous avons besoin de plus de jeunes comme lui.
-Dee-
Cet interiew a été edité et condensé.